Marre de l’éducation bienveillante : Trop, c’est trop !

On entend parler d’éducation bienveillante, positive ou respectueuse à toutes les sauces… des blogs aux livres, en passant par des formations en ligne qui pullulent sur Internet, tout amène les parents à avoir le bagage nécessaire pour éduquer leur(s) enfant(s) de la “meilleure” des manières. Evidemment, en animant des ateliers de communication bienveillante, je me considère dans le lot de toutes ces personnes bien intentionnées… mais je tiens à souligner un point très important pour vous permettre de relativiser toutes ces informations :

Tous ces nouveaux outils et nouvelles connaissances, notamment par l’apport des neurosciences mettent une grosse PRESSION sur les épaules des parents, soucieux de suivre les nouvelles recommandations. En effet, nous sommes de plus en plus informés quant aux conséquences des pratiques éducatives sur le bon développement de l’enfant. Pour certains, toutes ces informations poussent à avoir des standards parentaux élevés.

Par conséquent, si nous n’arrivons pas à être bienveillants avec nos enfants, sommes nous de mauvais parents ?

Une certaine culpabilité peut s’installer lorsque nous n’entrons pas dans les standards que nous nous sommes fixés. Des cris, du chantage, des gestes brusques… nous n’avons évidemment pas choisi d’élever nos enfants dans un contexte de violences éducatives… et pourtant, parfois cela nous échappe.

Le but de cet article est de vous donner des éléments pour vous déculpabiliser si jamais vous n’arriviez pas à suivre les recommandations à la lettre. Oui, une éducation respectueuse est importante pour l’enfant, mais ne nous jetons pas la pierre si nous dérapons involontairement.


1- Non, il ne faut pas être parfait pour donner une éducation bienveillante

 

Si, dans le meilleur des mondes, vous arriviez à mettre parfaitement en oeuvre une éducation positive, voici ce que vous apprendriez à votre enfant :

-> Que vous êtes parfait, et que par imitation, il faut qu’il le soit également.

Quelle pression ce doit être pour un enfant d’être parfait, non ? Le droit à l’erreur n’existerait pas. En plus d’être une utopie, ceci serait particulièrement angoissant ! C’est grâce à vos erreurs, et parfois aux excuses que vous ferez à votre enfant si jamais votre bienveillance vous a quitté un instant, qu’il comprendra que lui aussi à le droit à l’erreur, et qu’il n’a pas besoin d’être parfait pour être aimé et affirmer qui il est.

ET ATTENTION SCOOP ! Ce n’est pas parce que vous vous éloignez de “l’éducation bienveillante” quelques instants que vous êtes malveillant avec votre enfant ! La définition même de l’éducation bienveillante réside dans toute l’intention que l’on y met. La dualité bienveillant/malveillant n’existe que si on l’interprète de telle sorte, et pour ma part, je n’ai pas envie de voir les choses sous cet angle.

Le monde est fait de nuances, et cela est encore plus vrai et pertinent dans l’éducation : L’enfant est unique, et l’éducation que vous lui offrez est unique elle aussi, faite de hauts, de bas, d’encouragements, de disputes, de valorisations et de bouderies, de moments de qualité et de moments moins sympas. Par conséquent, vous ne vivez pas, soit des jours tempétueux, soit des jours de grand beau : il y a des journées pleines de brouillard, d’autres très nuageuses ou encore d’autres avec un rayon de soleil. Donc il n’existe pas que des parents bienveillants et malveillants, et une éducation bienveillante et malveillante. Vous l’aurez compris, c’est bien plus complexe que cela…

Vous avez l’intention de le rendre heureux et de faire au mieux pour lui, c’est TOUT CE QUI COMPTE ! Ce n’est pas parce que vous vous énervez ou que vous ne suivez pas strictement les règles de l’éducation bienveillante que votre intention de base change. Donc rassurez-vous, les dérapages font partie de l’éducation bienveillante !


2- Quoi qu’on en dise, ce n’est pas possible d’être dans l’éducation bienveillante tous les jours, à tout moment

À nouveau, ce serait une utopie de croire qu’une éducation positive est possible continuellement. Pourquoi ? Car cela voudrait dire qu’elle requerrait un self-control de tous les instants, une gestion des émotions à toute épreuve, une zen attitude en toutes circonstances. Seulement, nous avons des émotions, des contextes, des journées différentes. Tout le monde ne peut prétendre être le Dalaï Lama (d’ailleurs, celui-ci n’a pas d’enfant ^^!) ! Alors no panic, c’est tout à fait normal si vous n’arrivez pas à garder votre calme systématiquement lorsque votre descendance chérie fait des expériences qui ne sont pas du tout à votre goût !

Par ailleurs, nos émotions nous indiquent les besoins à combler et elles sont très importantes au quotidien. Les disputes, les crises et les colères permettent de révéler ce qui ne va pas à l’intérieur de nous, de nous exprimer et de revenir à une relation avec une bonne distance (celle qui permet à chacun d’être une personne à part entière avec des besoins propres, et non fusionnés avec ceux de l’autre). Elles sont un indicateur à prendre en compte, un doigt pointé sur nos besoins non comblés.

3- Pourquoi il est indispensable de combler nos besoins avant ceux de nos enfants pour éviter de déraper :


Car, comme dit précédemment, la vie n’est pas un long fleuve tranquille. En effet, au quotidien, nous avons des besoins à combler… ne serait-ce que celui de manger ou de dormir ! Remarquez comme vous êtes davantage irritable quand vous avez faim ou êtes fatigué… (et, il en est de même pour votre enfant !). Il y a évidemment les besoins vitaux, mais nous avons aussi, si l’on se réfère à la pyramide de Maslow, des besoins de sécurité, d’affection, d’appartenance, d’estime et d’accomplissement de soi. Dans la réalité, il est peu probable qu’ils soient tous comblés. En revanche, certains d’entre eux peuvent, s’ils ne le sont pas, créer frustration et émotions négatives en tout genre. C’est pourquoi, il est important de prendre conscience de nos besoins et d’essayer d’y répondre.

Si vous n’en avez pas la possibilité, rappelez-vous seulement que votre enfant n’est pas responsable de vos besoins non comblés, et que ce n’est pas à lui de le faire.

Comme l’hôtesse de l’air qui préconise de mettre votre masque à oxygène avant de mettre celui à votre enfant en cas de dépressurisation, je veux vous dire de prendre soin de vous avant votre “crash” émotionnel, afin de vous occuper de votre enfant. Evidemment, si vous avez sommeil et que vous ne pouvez pas aller vous coucher, prendre soin de vous peut seulement vouloir dire prendre 3 grandes respirations avant de revenir à votre enfant.

Il est donc essentiel d’avoir à l’esprit que si vous en avez marre de l’éducation bienveillante, il est probable que vous ne preniez pas assez soin de vous, que vous n’êtes pas assez bienveillant avec vous-même (et c’est ça, la baaaaaase !). Vouloir souffler, respirer et lâcher du lest car le poids de l’éducation à laquelle vous souhaitez adhérer est trop lourd certains jours, ne fait pas de vous le parent à abattre, bien au contraire.


J’espère qu’avec ces différents éléments, vous comprendrez que l’éducation bienveillante n’est pas une fin en soi. Elle est un idéal, une ligne de conduite, celle qui nous donne la direction tel un phare qui nous guide. Elle ne doit pas être un objectif à atteindre car soyez-en sûr, vous serez frustrés de ne pas y arriver !


Anne-Claire BROSSET – À Cœur Bienveillant

Que faire lorsque mon enfant me fait sortir de mes gonds ?

Accompagnant les parents dans l’éducation de leur(s) enfant(s), j’aborde habituellement le sujet des émotions de l’enfant et de leur prise en charge. Aujourd’hui, je consacre cet article à nos émotions en tant qu’adulte, et en particulier, à la colère.   Dans une démarche d’éducation bienveillante, je dis souvent qu’il faut d’abord être bienveillant avec soi-même avant de pouvoir l’être avec son enfant. Mais qu’est ce que cela veut-il dire concrètement ?   Comme il n’y a pas de réponse toute faite à cette question (sinon, ce serait trop facile !), je souhaitais prendre l’exemple de la colère, émotion que l’on ressent le plus souvent à l’égard des enfants. Pourquoi cela ? Parce que nos chers bambins nous renvoient, bien malgré eux, les blessures de notre enfance et reflètent le travail sur nous-mêmes qu’il nous reste à accomplir.   Alors attention, si vous ne souhaitez pas vous interroger sur le rôle que vous avez dans la responsabilité de VOS émotions, je vous invite à arrêter de lire cet article…   Dans le cas contraire, je vous félicite, car se poser des questions est déjà un pas vers le changement.  

La colère (envers l’enfant): cette émotion destructrice à travers laquelle tous nos réflexes d’éducation, qui découlent de l’enfance vécue, ressortent avec plus ou moins de violence.

Je vais donc développer la colère, cet énervement si intense qu’il peut nous faire hurler des choses que nous ne pensons pas, cette rage immense qui nous envahit et peut nous faire commettre des actes (parfois) irréparables…   “Il m’a poussé à bout” “C’est de sa faute aussi, il fallait qu’il m’écoute” “Il fait tout pour que je m’énerve” etc … NON, votre enfant n’est pas responsable de l’émotion que vous ressentez. Il peut seulement en être l’élément déclencheur. Pour preuve, tous les enfants font des expériences (appelées “bêtises”), seulement nous ne réagissons pas tous de la même manière. En cause ? L’éducation que nous avons reçue, les comportements que nos parents ou éducateurs ont eu avec nous. Prenons l’exemple d’un enfant qui renverse un verre : certains vont s’agacer, d’autres crier, d’autres encore prendre les choses simplement en expliquant à l’enfant d’être plus attentif. L’élément déclencheur est le même, mais notre réaction ne l’est pas.   Je suis responsable de mon émotion, mon enfant ne l’est pas pour moi.   Avoir cela en tête est une première chose. La seconde est qu’une émotion, donc la vôtre, exprime un besoin. L’émotion est un indicateur de la satisfaction de vos besoins propres. Mais je reviendrai sur cette notion, plus bas dans l’article. Sachant cela, comment réagir lorsque nous ressentons de la colère après un comportement d’un enfant ? 

 

1- Éloignez-vous

Si vous vous sentez au bord de l’explosion, éloignez-vous. Autant, je n’invite pas les parents à laisser seul leur enfant, surtout lorsqu’il est en pleine émotion (colère, chagrin, frustration…), autant il est beaucoup plus utile de prendre la vôtre en charge avant de vous occuper de votre enfant… sous peine de déraper, de vous mettre à crier et de perdre toute bienveillance en vous !   Je vous invite donc plutôt à verbaliser à votre enfant que vous prenez un peu de distance parce que VOUS en avez besoin (et non pas parce que vous lui demandez de réfléchir), que vous allez dans la pièce d’à côté mais que vous revenez très vite. Vous pouvez également mettre des mots sur ce que vous ressentez, par exemple : “Ce qui vient de se passer me met vraiment en colère, je sais que c’est difficile pour toi aussi. Pour que je puisse mieux t’accompagner, je vais juste m’éloigner un moment et je reviens dès que je serai plus calme. On pourra alors reparler de ce qui vient de se passer”.   Attention cependant à ne pas le culpabiliser : les phrases du type “TU me mets en colère” ou “Je vais m’éloigner parce que TU m’énerves” sont particulièrement accusatrices. Dans le cas présent, cela revient à reporter la responsabilité de votre émotion sur votre enfant qui se retrouve avec le poids de celle-ci, plus celui de la culpabilité. Veillez donc à utiliser le “JE”.   Vous éloigner vous permettra, concrètement de prendre du recul, et de laisser votre émotion passer (en moyenne une émotion dure 90 secondes). Car, en effet, si vous restez proche de votre enfant, les tensions ne s’apaiseront pas à moins d’avoir un super self-Control.  

 

2- Bougez, évacuez

Sachez que, lorsque vous êtes en colère, il y a quelque chose de physiologique qui se passe en vous (valable pour votre enfant également) : une montée d’énergie se produit dans le haut du corps -> les membres supérieurs, le buste, les épaules, la nuque… et même le visage lorsque vous devenez tout(e) rouge. Pour évacuez cette énergie, et donc l’émotion, il faut pouvoir la libérer physiquement. Pour cela, vous pouvez taper sur un coussin, crier (toujours dans un coussin 🙂 ), sauter sur place… bref, tout ce qui vous fera du bien sans faire de mal à l’autre. Une fois que vous l’avez libérée, vous pouvez revenir près de votre enfant.

Vous pensez peut-être que cela est ridicule (Il est vrai que cela fait bizarre la première fois !), mais je vous invite à essayer et je vous laisserai commenter l’article pour me dire ce que vous avez ressenti…

 

3- Respirez

Une fois que vous avez libéré votre colère, essayez de respirer. Cela parait anodin, c’est cependant une chose primordiale. En effet, en pleine émotion, il nous arrive fréquemment d’être en apnée. Pourtant, seule une respiration lente nous amène l’apaisement.

Prenez alors 3 grandes respirations minimum (inspiration et expiration) pour commencer à ressentir les bienfaits. En dehors des moments de crise, vous pouvez également vous appuyer sur la respiration pour gérer les conflits. En effet, il existe des exercices de respiration (par exemple, les exercices de cohérence cardiaque) qui permettent de mieux appréhender le quotidien et de diminuer le stress. Pratiquer des exercices de respiration régulièrement favorise la gestion des émotions.

Sachez que vous pouvez également faire ces exercices de respiration avec votre enfant pour lui apprendre à gérer ses émotions (oui parce que toutes les astuces que je vous donne dans cet article sont évidemment bonnes pour votre enfant… et plus il les aura mises en place tôt, plus ce sera simple pour lui lorsqu’il sera adulte !). S’il est petit, vous pouvez simplement lui proposer de s’allonger et de poser un bateau sur son ventre qu’il fera bouger au gré de ses respirations…

 

4- Identifier votre besoin non satisfait

Comme je l’ai déjà précisé dans mes précédents articles, une émotion est un indicateur de la satisfaction d’un besoin.

En effet, une émotion agréable indique un besoin satisfait. Quant à l’émotion désagréable (comme la colère, qui nous intéresse davantage), elle exprime un besoin NON satisfait. À travers mes ateliers et mes précédents articles, je vous ai également conseillé d’identifier le besoin non satisfait de votre enfant… et bien, bonne nouvelle ! Ça vaut aussi pour vous !

Vous êtes en colère. Comment identifier le besoin non satisfait derrière cette émotion ? La situation qui la déclenche peut vous aider à trouver des éléments de réponse. Quelques exemples :

  • Votre enfant hurle : Vous avez peut-être besoin de calme ?
  • Votre enfant SEMBLE ne pas vous écouter : vous avez peut-être besoin d’écoute ?
  • Votre enfant vous tape, ou fait mal à un autre : Vous avez peut-être besoin de sécurité, ou d’avoir confiance (en les autres, donc en vous) ?
  • Il est 19 heures, et vous faites face à un énième conflit : Vous avez peut-être simplement faim ou besoin de repos (sommeil) ?

Quelque soit la situation, votre émotion vous indique que l’un (ou plusieurs) de vos besoins n’est pas comblé. Voici une liste non-exhaustive des besoins non satisfaits que vous pourriez ressentir : besoins physiologiques (faim, sommeil, hygiène), besoin d’écoute, de reconnaissance, d’amour, de sécurité (physique et affective), de soutien, d’honnêteté, de silence/calme, d’intimité, d’espace, de jeu, de respect… il y en a bien d’autres…

Tentez de vous poser 2 minutes pour réfléchir au besoin non satisfait caché derrière votre colère que peut, malgré lui, déclencher votre enfant. Soyez honnête avec vous même, ça ne coûte rien.Une fois que vous avez une idée du besoin non satisfait, il suffit trouver des solutions pour que celui-ci soit comblé. C’est là que les choses se gâtent : je précise souvent, lorsqu’il s’agit des enfants, que nous devons combler leurs besoins (exprimé eux aussi par une émotion). Seulement, l’inverse n’est pas vrai ! Ce N’est PAS à votre enfant de combler les vôtres. Nous le faisons pour eux car ils sont dépendants de nous.

INSTANT DÉVELOPPEMENT PERSONNEL : Comment pouvez-vous vous même combler vos besoins ?Vous seul(e) pouvez combler votre besoin. Reprenez chaque besoin non satisfait que vous ressentez et essayer de trouver une solution pour le combler. Posez-vous la question : Qu’est ce que je peux mettre en place pour combler ce besoin? Je ne vous donnerai pas de réponse, car chaque personne a des besoins différents, des vies différentes, dans des contextes différents. Une solution peut convenir à une personne mais pas une autre. C’est pourquoi, c’est à vous de trouver VOTRE solution.

Quelques exemples néanmoins pour que vous compreniez bien la réflexion à entamer :

-> J’ai besoin de calme. Comment pourrais-je trouver le calme (intérieur) ? Par des balades en forêt ? Par la méditation ? Par un bon bain ?

-> J’ai besoin d’écoute : Y a t-il des situations dans lesquelles je ne me suis pas écouté(e) ? Mon corps me fait il comprendre des choses, par des douleurs que je n’ai pas prises en compte ?

-> J’ai besoin de me sentir respecté(e) : Est-ce que je me respecte moi-même ? Est-ce que je respecte mon corps ? Est-ce que je respecte mes valeurs ? Est-ce que je me respecte en tant que personne (la petite voix qui me juge me dit quoi) ?

Vous l’aurez compris, vos besoins non satisfaits sont liés à votre bien-être intérieur.

 

5- Souvenez- vous que votre enfant est en pleine maturation…

… et qu’il a besoin de vous pour apprendre à gérer ses émotions. Mais pour cela, il vous faudra apprendre à gérer les vôtres.

De jour en jour, votre enfant fait des expériences (qui vous plaisent plus ou moins), il s’affirme, il s’exprime, il se positionne en tant que personne… Cela peut nous irriter mais il est simplement de grandir !Alors rappelez vous seulement ce fait : votre enfant grandit, et ce, grâce AUSSI aux situations de conflit que vous rencontrez. Il apprend également lorsque vous êtes en colère ! Alors, une fois la colère passée, essayer de le regarder avec compréhension puisqu’il est en pleine construction.

Pour conclure, la colère que vous pouvez parfois ressentir est légitime, et vous permet de mettre en lumière quelque chose qui ne va pas. Elle ne doit pas vous culpabiliser, mais vous permettre de comprendre le problème et réfléchir aux solutions que vous pouvez trouver à celui-ci. Nos émotions nous sont particulièrement utiles au quotidien, encore faut-il les prendre en compte !

 

Anne-Claire BROSSET – À Cœur Bienveillant

« Dis ‘Pardon’ ! »

Cette phrase, qui invite un jeune enfant à s’excuser auprès d’autrui lorsqu’il a commis un acte volontaire ou involontaire provoquant un sentiment désagréable (de la vexation à la douleur, en passant par la colère), est très utilisée dans l’éducation.

Éducatrice de jeunes enfants auprès d’enfants de moins de 6 ans, et animatrice d’ateliers de communication bienveillante auprès des parents et professionnels, je vous explique dans cet article pourquoi cette demande n’a pas d’intérêt et, qu’au contraire, elle a l’effet inverse de ce que l’on recherche. En effet, elle n’est pas la meilleure méthode pour apprendre à un enfant à s’excuser. Explications :


Un jeune enfant n’est pas en capacité de comprendre le concept…

Très jeune, peu de temps après qu’il acquiert le langage parlé, nous demandons assez rapidement à l’enfant de s’excuser, ou de dire “pardon” lorsque, par exemple, il a frappé un autre enfant (parce que, oui, la période coïncide aussi avec celle d’un comportement parfois un peu violent avec les autres). Or, l’enfant ne comprend pas le sens de cette demande.

La politesse est un concept abstrait, une convention sociale qu’un jeune enfant (avant 4-5 ans) n’est pas en capacité de comprendre. Son cerveau n’est pas encore mature pour cela, il garde une logique encore très concrète.

Je vous entends déjà dire : “Oui mais il dit bonjour et merci !”. Effectivement, l’enfant sait parfois dire ces mots car il a compris que cela avait un impact ! Très tôt, avant même la parole, l’enfant sait “signer”, c’est à dire avoir une gestuelle avec ses mains pour s’exprimer. La plus connue est celle exprimant le “au revoir”. Pour autant, l’enfant ne sait pas que ce geste est une politesse, mais il sait que cela fait réagir de façon positive les personnes l’entourant. Il cherche donc la réaction sociale.

De même, c’est grâce à l’imitation des adultes (et grâce aux neurones miroirs) que l’enfant met en place progressivement les formes de politesse. Par conséquent, c’est parce qu’on lui dit, très régulièrement, “bonjour” “merci” “au revoir” que l’enfant fait de même.

Concernant le “pardon”, cela est encore plus délicat puisque cette demande se produit généralement dans une situation amenant des émotions désagréables. C’est à force de demandes répétitives de la part de l’adulte que l’enfant se met à dire “pardon” sans vraiment comprendre pourquoi (et l’enfant qui le reçoit ne le comprend pas forcément non plus !).


… mais intègre que c’est un comportement que l’on attend de lui.

Demander régulièrement à un enfant de dire “pardon” a l’effet inverse de ce que l’on recherche. Le but premier recherché de cette politesse est de prendre ses responsabilités et de “réparer” l’acte, qu’il eût été intentionnel ou non. Néanmoins, à force de répétition, l’enfant qui grandit comprend que c’est ce que l’on attend de lui, mais ne prend pas pour autant ses responsabilités. Il ne se met pas à la place de l’autre, il fait juste ce qui lui est demandé. Il reste donc passif.

En effet, combien d’enfants, après avoir fait mal à un camarade, ont pu dire “Mais je ne l’ai pas fait exprès !” ou encore “Mais j’ai dit pardon !” ?

Finalement, en adressant un simple “pardon”, il se déresponsabilise face à ses actes et ne prend pas en compte les conséquences.

De plus, lorsque nous demandons à un enfant de s’excuser, il se trouve dans une position désagréable dans laquelle il se sent souvent accusé, voire rabaissé. Imaginez-vous avoir involontairement cassé un objet d’un ami et que l’on vous dise “Excuse-toi !” : Avez-vous vraiment envie de le dire ? Ou vous sentez-vous trop mal pour le faire ?

Un enfant sera dans cette même posture et se sentira contraint et forcé de s’excuser, ce qui renforcera sa culpabilité et le blessera dans son estime de lui-même. Il finira par penser que sa culpabilité sera moins importante s’il s’excuse ensuite de façon systématique.


Alors, comment faire pour qu’il s’excuse sincèrement?

– Être dans l’empathie avec lui :

La première étape pour que l’enfant comprenne les conséquences de ses actes est de développer son empathie. Mais pour cela, il faut pouvoir reconnaître ses émotions . En effet, reconnaître ses émotions au quotidien, les nommer et les prendre en compte permettra peu à peu à l’enfant de les identifier. Au fil du temps, il arrivera donc à mettre des mots sur ses propres émotions et cela l’aidera à développer, son empathie envers l’autre.

En effet, comment reconnaître les émotions d’autrui lorsque nous ne connaissons pas les nôtres ?

Par exemple, votre enfant a tiré les cheveux d’un autre enfant parce que ce dernier lui avait pris son jouet. Vous pouvez lui dire “Tu es vexé qu’il ait pris ton jouet ? Tu voulais certainement le garder et continuer de jouer avec”. Votre enfant se sent donc compris, moins sous tension, et donc plus à même de prendre en compte les émotions de l’autre.

Un enfant (et de même pour l’adulte) ne pourra comprendre l’autre que s’il se sent compris lui-même.

– S’excuser auprès de lui

Il serait faux de dire que nous avons toujours un comportement irréprochable face à notre enfant. Êtes-vous de ceux qui ont des difficultés à s’excuser ? Peut-être parce que l’on vous a forcé à le faire quand vous étiez enfant…?

Nous savons que l’enfant apprend surtout par l’imitation de nos comportements, et non par nos demandes répétées. Alors, quand il vous arrive de déraper volontairement ou involontairement, dans vos paroles ou dans vos gestes, excusez-vous auprès de votre enfant. En plus d’observer votre comportement pour l’imiter plus tard, cela lui apprendra également que personne n’est parfait et que chacun de nous a le droit de faire des erreurs.

– Lui apprendre à réparer si cela est possible

Lorsqu’un enfant commet une action nécessitant “des excuses”, la meilleure méthode est encore de lui proposer de réparer, quand la situation le permet.

Avant 3 ans, il est préférable de lui donner les solutions qui s’offrent à lui. Par exemple, lorsqu’il détruit une tour de jeux de construction bâtie par son frère, nous pouvons lui proposer de la reconstruire avec lui.

Pour l’enfant plus grand, nous pouvons directement l’interroger “Que peux-tu faire pour que l’autre se sente mieux ?”. Et c’est dans ces moments que j’ai pu observer un enfant aller chercher le doudou de celui à qui il avait fait mal…

En réparant, l’enfant prend la responsabilité de ses actes et restaure son estime de lui-même.

– L’aider à reconnaître les émotions de l’autre

Un jeune enfant (moins de 3 ans) est auto-centré, c’est à dire qu’il ne perçoit le monde qu’à travers son propre point de vue, ses besoins et ses émotions. En aidant l’enfant à identifier ses propres émotions, il cherchera avec le temps à essayer de comprendre si l’autre est également capable de les ressentir (“elle est triste la dame ?” en voyant une femme pleurer par exemple).

Ensuite, nous pouvons l’aider à envisager le point de vue de l’autre en lui disant par exemple “Xavier est très en colère que tu lui ais pris le vélo avec lequel il jouait” ou encore “Yohann a eu mal quand tu lui as marché sur la main”. Mais ATTENTION, il ne s’agit pas de culpabiliser votre enfant, mais de l’aider à reconnaître une émotion réelle chez l’autre. Il est donc préférable de bien choisir ses mots et de continuer à reconnaître les émotions de votre enfant !

C’est à partir de 4-5 ans que l’enfant commence à sortir progressivement de cette phase d’égocentrisme (nommée ainsi par Jean PIAGET) et qu’il va comprendre peu à peu que les autres ne pensent pas comme lui et qu’ils peuvent avoir des émotions différentes. Cela va également lui permettre de comprendre les émotions d’autrui.


Et le bisou alors?

Demander à un enfant de faire un bisou en guise d’excuse ajoute un contact physique et donc la notion de consentement pour les deux parties : l’enfant qui fait le bisou et celui qui le reçoit. Le contact physique peut aider à la réparation de la relation entre deux personnes / enfants que ce soit, le bisou, la caresse ou le câlin.

Néanmoins, il est primordial que ce contact soit pleinement consenti par les deux protagonistes. Il est donc de mise de demander leur avis à chacun d’eux. J’insiste bien sur cette notion de consentement que l’on a tendance à oublier, alors que c’est, pourtant, une notion que l’on souhaite également véhiculée à nos enfants…


En conclusion, il n’est pas simple de demander à un enfant de s’excuser. C’est une convention sociale que nous souhaitons transmettre à nos enfants, seulement il est nécessaire de prendre en compte la dimension émotionnelle et les conséquences de cette demande. Avec tout ce qu’on demande aux enfants de faire ou ne pas faire, on en oublierait de se mettre à leur place


Anne-Claire Brosset – À Cœur Bienveillant

Au secours ! Il fait des caprices !

Pleurs, cris, roulade sur le sol, votre enfant fait des caprices? En réalité… non.

Prenons l’exemple d’un enfant qui refuse de mettre son manteau en sortant de la crèche – ou école – lorsque son parent vient le récupérer. Il hurle et se tord dans tous les sens. Vous pensez qu’il fait un caprice ?

Mais qu’est ce qu’un caprice ? Selon Larousse.fr, le caprice est une volonté soudaine, irréfléchie et changeante de quelqu’un. Selon Isabelle FILLIOZAT, psychothérapeute, le caprice est un comportement que l’adulte ne comprend pas, d’autant plus lorsque ce comportement fait appel à une émotion. Le caprice serait donc une interprétation et un jugement d’une émotion de l’enfant.

D’où vient cette notion de caprice ? Elle vient de l’idée que l’on se fait de l’enfant, une image négative ancrée depuis des décennies : celle qu’il nous manipule, que nous devons le “dresser” pour le mettre dans le droit chemin et le dominer pour se faire respecter.

“Sinon, il va te mener par le bout du nez, il fera de toi ce qu’il veut”.

Seulement, cette idée, issue d’une éducation passée basée sur le rapport de force, ne favorise pas la compréhension de l’enfant. Il faut aussi se rendre à l’évidence: oui l’enfant a des comportements que l’on ne comprend pas.


Mais alors, pourquoi ?

Reprenons l’exemple de l’enfant et de son manteau. Au lieu de penser “caprice”, essayons de décoder ce qu’il essaie de nous dire en refusant de le mettre. Cet enfant a passé une longue journée à la crèche (/école), et retrouve son parent. Seulement, vous, en tant que parent, aussi avez certainement passé une longue journée de travail, et n’avez pas le temps de faire face à une crise, happé par les obligations de la vie quotidienne.

Votre enfant a peut-être simplement besoin de vous retrouver, d’être pris dans les bras parce que, pour lui aussi, la journée a été difficile. Notons également que, lorsque vous arrivez pour récupérer votre enfant, vous avez eu le temps de vous “préparer” pour les retrouvailles : vous avez pris la voiture, passez quelques minutes pour vous détacher de votre journée et pensez à cette fin de journée avec votre enfant. Quant à ce dernier, il n’a pas eu le temps de faire cela car il est dans l’instant présent. Il n’a pas pu anticiper ces retrouvailles. Il lui faut donc un laps de temps afin d’intégrer le fait de quitter le lieu dans lequel il se trouve.


Ce qu’il faut savoir

  • L’enfant a une figure d’attachement principale (le plus souvent, la mère, le père) en qui il a confiance. Il sait que celle-ci l’aimera quel que soit son comportement (surtout lorsque l’attachement est sécure). Il s’autorise donc à s’exprimer et à libérer son stress et les tensions accumulées de la journée en présence de sa figure d’attachement. Et en tant qu’adulte, nous faisons exactement la même chose : Combien de fois notre conjoint(e) a-t-il (elle) fait les frais d’une journée de travail éprouvante? 🙂 Voilà pourquoi votre enfant vous fait des “crises” émotionnelles qu’il ne fait à personne d’autres…

  • Le cerveau de l’enfant est encore immature. L’amygdale cérébrale, le centre de la peur, est parfaitement mature à la naissance. Or, la partie du cerveau responsable de la gestion des émotions commence à maturer entre 5 et 7 ans, et ce , en fonction de l’attitude de l’entourage. C’est pourquoi, lors d’une frustration, d’une montée de stress, d’une peur ou d’une colère, l’enfant ne sait pas gérer son émotion.

  • L’émotion est nécessaire à la vie. Nous ne pouvons pas l’éviter. Elle est là pour exprimer un besoin non comblé, non satisfait. Il faut donc pouvoir répondre à son besoin. Attention ! Je dis répondre à son BESOIN, pas à son DÉSIR… Un bonbon n’est pas un besoin, c’est un désir. En revanche, manger ou avoir de l’attention sont des besoins.

Que faut-il éviter de faire?

Le réprimander, le mettre au coin ou le laisser seul avec son émotion, va augmenter son stress. Selon les récentes études en neurosciences, lorsque nous sommes en situation de stress, nous libérons une hormone appelée le cortisol. A long terme, celle-ci est néfaste pour le bon développement de l’enfant.


Alors, quelle attitude adopter ?

Lorsque votre journée a été difficile, que vous rentrez, et que vous voyez la vaisselle déborder de l’évier… peut-être que vous ressentez de la colère vis à vis de votre partenaire. Imaginez qu’il vous réponde “arrête de faire un caprice”, quel serait votre sentiment? Pour l’enfant, c’est d’autant plus difficile à vivre qu’il n’est pas en capacité de gérer ses émotions et qu’il vit une tempête émotionnelle à l’intérieur de lui.

1. Accepter que cela se passe

Et oui ! La première chose à faire c’est d’accepter que votre enfant ressente son émotion. Lorsque nous subissons une contrariété ou une frustration, il nous arrive de ressentir de la colère. L’enfant a tout à fait le droit d’en ressentir également lorsque il subit, lui aussi, une contrariété ou frustration ! Même si pour nous, ça nous parait être rien…

Et maintenant que nous savons que le jeune enfant est dans l’incapacité de gérer ses émotions, laissons-le s’exprimer !

2. Accompagner l’émotion en la verbalisant

Lorsque nous vivons une émotion désagréable (colère, tristesse, peur…), nous avons besoin de nous sentir écouté et compris.

En pleine crise émotionnelle, l’enfant a besoin également d’une écoute empathique. Pour cela, mettre des mots sur ce qu’il ressent tels que “ Tu es triste?”, “Tu ressens de la colère à l’intérieur de toi”, “ Tu as eu peur lorsque tu es tombé?” ou encore “Je comprends que tu sois vexé par ce que je t’ai dit…” permet d’apaiser les tensions en lui montrant que nous prenons en compte ses ressentis.

Nous n’avons pas l’habitude de prononcer ce genre de phrases, même entre nous adulte. Et pourtant… essayez, et vous verrez qu’elles ont une réelle efficacité lors de la prochaine dispute avec votre partenaire…

3. Répondre à son besoin

Comme dit plus haut, répondre aux besoins de l’enfant ne signifie pas répondre à tous ses désirs. Il faut savoir faire preuve de “traduction” ou “d’interprétation juste” avec l’enfant. En effet, un enfant qui pique une “crise” le soir peut être un enfant qui a faim ou qui a sommeil. Dans les deux cas, sachez que physiologiquement, le corps est en état de tension qui nous rend plus irritable…

L’enfant a des besoins primaires (boire, manger, dormir, d’être propre, d’être aimé…), mais aussi des besoins secondaires tels que le besoin d’attention, de communication, de contact, de jeu (d’apprentissage), de découvertes et exploration… À nous de pouvoir déceler cela dans ses demandes, car chaque crise émotionnelle de l’enfant sert à exprimer un besoin non comblé. Ne reste plus qu’à les comprendre !

Par ailleurs, nous pouvons directement lui poser la question “De quoi as-tu besoin ?”. Pour un enfant qui ne parle pas encore très bien, la réponse ne lui viendra peut-être pas, mais nous pouvons l’aider en lui proposant des réponses telles que un câlin, son doudou, d’être seul… Vers 4-5 ans, l’enfant peut être davantage en mesure de dire ce qui pourrait l’aider à surmonter son émotion. À nous de l’écouter !

4. Prendre soin de vous

Pour faire tout cela, il faut pouvoir également être dans de bonnes dispositions. Et oui… car pour être bienveillant avec son enfant, il faut pouvoir l’être avec soi-même : pour pouvoir répondre aux besoins de son enfant, il faut que les nôtres soient suffisamment comblés. Par exemple – et je suis sûre que vous voyez de quoi je veux parler – lorsque notre dette de sommeil est importante, que la fatigue est accumulée depuis plusieurs jours (et donc que notre besoin de sommeil est non satisfait), il nous est difficile de garder notre self-Control.

Vous allez me dire… “Mais oui, mais je fais comment ?”. Justement, tout est dans la réflexion d’une organisation pour pouvoir prendre du temps pour soi, pour s’occuper de soi ou simplement se reposer… Pensez-y, la clé de la bienveillance envers vos enfants est dans votre bien-être !


En conclusion,

Le caprice est une notion issue d’une communication parent – enfant basée sur le rapport de force et la domination de l’un sur l’autre. Seulement, une fois que l’on comprend que l’enfant a les mêmes droits que l’adulte, et, entre autres, celui d’exprimer ses émotions, on prend conscience qu’un accompagnement adapté au développement de l’enfant est nécessaire. Encore faudrait-il que la société accepte cette bienveillance éducative

Dans ce contexte, faites surtout de votre mieux et prenez soin de vous afin de pouvoir prendre soin de votre enfant!


Anne-Claire BROSSET – À Cœur Bienveillant