Pleurs, cris, roulade sur le sol, votre enfant fait des caprices? En réalité… non.
Prenons l’exemple d’un enfant qui refuse de mettre son manteau en sortant de la crèche – ou école – lorsque son parent vient le récupérer. Il hurle et se tord dans tous les sens. Vous pensez qu’il fait un caprice ?
Mais qu’est ce qu’un caprice ? Selon Larousse.fr, le caprice est une volonté soudaine, irréfléchie et changeante de quelqu’un. Selon Isabelle FILLIOZAT, psychothérapeute, le caprice est un comportement que l’adulte ne comprend pas, d’autant plus lorsque ce comportement fait appel à une émotion. Le caprice serait donc une interprétation et un jugement d’une émotion de l’enfant.
D’où vient cette notion de caprice ? Elle vient de l’idée que l’on se fait de l’enfant, une image négative ancrée depuis des décennies : celle qu’il nous manipule, que nous devons le “dresser” pour le mettre dans le droit chemin et le dominer pour se faire respecter.
“Sinon, il va te mener par le bout du nez, il fera de toi ce qu’il veut”.
Seulement, cette idée, issue d’une éducation passée basée sur le rapport de force, ne favorise pas la compréhension de l’enfant. Il faut aussi se rendre à l’évidence: oui l’enfant a des comportements que l’on ne comprend pas.
Mais alors, pourquoi ?
Reprenons l’exemple de l’enfant et de son manteau. Au lieu de penser “caprice”, essayons de décoder ce qu’il essaie de nous dire en refusant de le mettre. Cet enfant a passé une longue journée à la crèche (/école), et retrouve son parent. Seulement, vous, en tant que parent, aussi avez certainement passé une longue journée de travail, et n’avez pas le temps de faire face à une crise, happé par les obligations de la vie quotidienne.
Votre enfant a peut-être simplement besoin de vous retrouver, d’être pris dans les bras parce que, pour lui aussi, la journée a été difficile. Notons également que, lorsque vous arrivez pour récupérer votre enfant, vous avez eu le temps de vous “préparer” pour les retrouvailles : vous avez pris la voiture, passez quelques minutes pour vous détacher de votre journée et pensez à cette fin de journée avec votre enfant. Quant à ce dernier, il n’a pas eu le temps de faire cela car il est dans l’instant présent. Il n’a pas pu anticiper ces retrouvailles. Il lui faut donc un laps de temps afin d’intégrer le fait de quitter le lieu dans lequel il se trouve.
Ce qu’il faut savoir
- L’enfant a une figure d’attachement principale (le plus souvent, la mère, le père) en qui il a confiance. Il sait que celle-ci l’aimera quel que soit son comportement (surtout lorsque l’attachement est sécure). Il s’autorise donc à s’exprimer et à libérer son stress et les tensions accumulées de la journée en présence de sa figure d’attachement. Et en tant qu’adulte, nous faisons exactement la même chose : Combien de fois notre conjoint(e) a-t-il (elle) fait les frais d’une journée de travail éprouvante? 🙂 Voilà pourquoi votre enfant vous fait des “crises” émotionnelles qu’il ne fait à personne d’autres…
- Le cerveau de l’enfant est encore immature. L’amygdale cérébrale, le centre de la peur, est parfaitement mature à la naissance. Or, la partie du cerveau responsable de la gestion des émotions commence à maturer entre 5 et 7 ans, et ce , en fonction de l’attitude de l’entourage. C’est pourquoi, lors d’une frustration, d’une montée de stress, d’une peur ou d’une colère, l’enfant ne sait pas gérer son émotion.
- L’émotion est nécessaire à la vie. Nous ne pouvons pas l’éviter. Elle est là pour exprimer un besoin non comblé, non satisfait. Il faut donc pouvoir répondre à son besoin. Attention ! Je dis répondre à son BESOIN, pas à son DÉSIR… Un bonbon n’est pas un besoin, c’est un désir. En revanche, manger ou avoir de l’attention sont des besoins.
Que faut-il éviter de faire?
Le réprimander, le mettre au coin ou le laisser seul avec son émotion, va augmenter son stress. Selon les récentes études en neurosciences, lorsque nous sommes en situation de stress, nous libérons une hormone appelée le cortisol. A long terme, celle-ci est néfaste pour le bon développement de l’enfant.
Alors, quelle attitude adopter ?
Lorsque votre journée a été difficile, que vous rentrez, et que vous voyez la vaisselle déborder de l’évier… peut-être que vous ressentez de la colère vis à vis de votre partenaire. Imaginez qu’il vous réponde “arrête de faire un caprice”, quel serait votre sentiment? Pour l’enfant, c’est d’autant plus difficile à vivre qu’il n’est pas en capacité de gérer ses émotions et qu’il vit une tempête émotionnelle à l’intérieur de lui.
1. Accepter que cela se passe
Et oui ! La première chose à faire c’est d’accepter que votre enfant ressente son émotion. Lorsque nous subissons une contrariété ou une frustration, il nous arrive de ressentir de la colère. L’enfant a tout à fait le droit d’en ressentir également lorsque il subit, lui aussi, une contrariété ou frustration ! Même si pour nous, ça nous parait être rien…
Et maintenant que nous savons que le jeune enfant est dans l’incapacité de gérer ses émotions, laissons-le s’exprimer !
2. Accompagner l’émotion en la verbalisant
Lorsque nous vivons une émotion désagréable (colère, tristesse, peur…), nous avons besoin de nous sentir écouté et compris.
En pleine crise émotionnelle, l’enfant a besoin également d’une écoute empathique. Pour cela, mettre des mots sur ce qu’il ressent tels que “ Tu es triste?”, “Tu ressens de la colère à l’intérieur de toi”, “ Tu as eu peur lorsque tu es tombé?” ou encore “Je comprends que tu sois vexé par ce que je t’ai dit…” permet d’apaiser les tensions en lui montrant que nous prenons en compte ses ressentis.
Nous n’avons pas l’habitude de prononcer ce genre de phrases, même entre nous adulte. Et pourtant… essayez, et vous verrez qu’elles ont une réelle efficacité lors de la prochaine dispute avec votre partenaire…
3. Répondre à son besoin
Comme dit plus haut, répondre aux besoins de l’enfant ne signifie pas répondre à tous ses désirs. Il faut savoir faire preuve de “traduction” ou “d’interprétation juste” avec l’enfant. En effet, un enfant qui pique une “crise” le soir peut être un enfant qui a faim ou qui a sommeil. Dans les deux cas, sachez que physiologiquement, le corps est en état de tension qui nous rend plus irritable…
L’enfant a des besoins primaires (boire, manger, dormir, d’être propre, d’être aimé…), mais aussi des besoins secondaires tels que le besoin d’attention, de communication, de contact, de jeu (d’apprentissage), de découvertes et exploration… À nous de pouvoir déceler cela dans ses demandes, car chaque crise émotionnelle de l’enfant sert à exprimer un besoin non comblé. Ne reste plus qu’à les comprendre !
Par ailleurs, nous pouvons directement lui poser la question “De quoi as-tu besoin ?”. Pour un enfant qui ne parle pas encore très bien, la réponse ne lui viendra peut-être pas, mais nous pouvons l’aider en lui proposant des réponses telles que un câlin, son doudou, d’être seul… Vers 4-5 ans, l’enfant peut être davantage en mesure de dire ce qui pourrait l’aider à surmonter son émotion. À nous de l’écouter !
4. Prendre soin de vous
Pour faire tout cela, il faut pouvoir également être dans de bonnes dispositions. Et oui… car pour être bienveillant avec son enfant, il faut pouvoir l’être avec soi-même : pour pouvoir répondre aux besoins de son enfant, il faut que les nôtres soient suffisamment comblés. Par exemple – et je suis sûre que vous voyez de quoi je veux parler – lorsque notre dette de sommeil est importante, que la fatigue est accumulée depuis plusieurs jours (et donc que notre besoin de sommeil est non satisfait), il nous est difficile de garder notre self-Control.
Vous allez me dire… “Mais oui, mais je fais comment ?”. Justement, tout est dans la réflexion d’une organisation pour pouvoir prendre du temps pour soi, pour s’occuper de soi ou simplement se reposer… Pensez-y, la clé de la bienveillance envers vos enfants est dans votre bien-être !
En conclusion,
Le caprice est une notion issue d’une communication parent – enfant basée sur le rapport de force et la domination de l’un sur l’autre. Seulement, une fois que l’on comprend que l’enfant a les mêmes droits que l’adulte, et, entre autres, celui d’exprimer ses émotions, on prend conscience qu’un accompagnement adapté au développement de l’enfant est nécessaire. Encore faudrait-il que la société accepte cette bienveillance éducative…
Dans ce contexte, faites surtout de votre mieux et prenez soin de vous afin de pouvoir prendre soin de votre enfant!
Anne-Claire BROSSET – À Cœur Bienveillant