Durant mon enfance, j’ai reçu des fessées. Et, comme vous le constaterez, je suis encore en vie pour vous en parler aujourd’hui ! Et oui, certainement que je les méritais ces fessées ! Malgré moi, elles m’ont fait comprendre bon nombre de choses et m’ont fait grandir !

Oui oui ! J’ai appris beaucoup de choses de ces fessées, mais certainement pas la leçon que mes parents voulaient me donner… ;

J’ai reçu des fessées, mais aussi des claques, des mises au coin, des humiliations, des moqueries, des critiques, des “T’es nulle”, des “T’es pas capable”, des “Tu peux faire mieux, recommence”, des “Arrête de pleurer”….

Mon but n’est pas de faire pleurer dans les chaumières, ni de blâmer mes parents ou les parents qui agissent de telle sorte (puisqu’ils font de leur mieux !)… mon objectif est surtout de décrire ce que les enfants peuvent ressentir aujourd’hui et quelles en sont les conséquences.

Des conséquences ? Vous pensez que j’exagère ? Qu’une fessée ou qu’une simple mise au coin ce n’est pas de la maltraitance? Vous avez peut-être RAISON ! Voyons juste les choses de plus près…

Je vais vous donner la définition des Violences Éducatives Ordinaires. Les VEO sont toutes les violences physiques – fessée/ claques/ tapes – et psychologiques – humiliations/ punitions/ chantage/ dévalorisation- subies par l’enfant sous prétexte que cela fait partie de son éducation.

Mais ATTENTION ! Je ne parle pas de tape, fessée ou chantage qui ont pu échapper à des parents excédés, fatigués et démunis, de façon exceptionnelle, mais de Violences Éducatives Ordinaires considérées comme un mode d’éducation, une manière d’obtenir obéissance de la part de l’enfant.

Ces VEO donnent des “leçons” à l’enfant qui les reçoit. Et voici ce qu’il apprend :


1- Que la violence est autorisée

Savez-vous que l’enfant apprend davantage par notre exemple que par notre parole ?

Lorsque l’on tape un enfant, la seule chose qu’il apprend, c’est qu’il a également le droit de taper… et même si on lui précise en même temps qu’il n’a pas le droit de le faire ! C’est un exemple typique de l’expression “Fais ce que je dis, ne fais pas ce que je fais !”. Malheureusement, la leçon retenue sera que la violence est un mode d’expression… En tant qu’adulte, nous sommes les modèles de l’enfant. Il apprend grâce à l’imitation et à l’expérience… À méditer !

De plus, lorsque l’enfant tape, nous le tapons parfois en retour pour qu’il “comprenne” la douleur qu’il vient d’engendrer à l’autre. Cependant, bien que l’enfant soit doté d’empathie dès tout petit, lorsqu’il ressent sa propre douleur, il n’est pas en capacité de l’imaginer pour quelqu’un d’autre. Il sera envahi par l’émotion et la douleur, et ne sera donc pas en capacité de raisonner et de comprendre les conséquences de son geste.

La seule façon de lui faire comprendre les conséquences de son acte est de lui expliquer l’émotion de l’autre et lui montrer les éventuelles marques. En outre, il peut aider à soigner.


2- Que le respect n’est qu’une illusion !

Dans cette idée que l’enfant a le droit de taper, il y a aussi l’idée que le respect du corps n’existe pas. Que ce soit son propre corps, ou celui de l’autre, il devient un vecteur de violence et d’expression des sentiments.

Pour aller plus loin, l’enfant apprend à travers les VEO qu’il n’a pas le droit au respect. À l’âge adulte, cela peut se traduire par de la violence envers autrui, physique ou verbale (oui, oui, la délinquance prend sa source dans le mal-être et la façon dont on considère les enfants !) ou même de la violence envers lui-même. Adulte, il pourra penser qu’il n’a pas le droit d’exister et que sa place n’est nulle part.

D’autre part, un enfant qui vit des humiliations, du chantage et des punitions régulières n’aura plus de respect pour lui ni pour l’autre. Et pensera que c’est une façon d’être en relation avec l’autre. Il est possible donc qu’il reproduise cela avec autrui !


3- Que, s’il subit cela, c’est qu’il le mérite

Que ce soient des violences physiques ou psychologiques, elles auront pour conséquence, pour l’enfant, une faible estime de lui-même.

Lorsqu’il est petit, l’enfant ne remet jamais en doute la parole du parent car elle est une vérité absolue à ses yeux. Il va donc croire tout ce qu’on va lui dire…

Si ce sont des humiliations et dévalorisations, elles auront raison de son estime de lui… l’enfant se considérera mauvais et indigne d’amour. Il en viendra même à penser que ses parents ont raison d’agir de la sorte… puisque c’est une mauvaise personne !

Ces dévalorisations et humiliations peuvent être l’origine de croyances (identitaires et sur la vie en général) qui amènent malheureusement à la dépression.


4- Que l’autorité rime avec soumission et crainte

Lorsque l’enfant vit dans un environnement avec des Violences Éducatives Ordinaires, il apprend, bien évidemment, que l’autorité est affaire de soumission et d’obéissance.

C’est une relation de domination qui s’exprime, avec la loi du plus fort comme fondement.

Seulement, il y existe deux issues à ce type de relation : la soumission ou la révolte. Est ce que nous voulons que nos enfants soient dans la soumission? Est ce que nous voulons qu’ils soient dans la révolte perpétuelle exprimant une colère refoulée?

Il est bien entendu que nous voulons le meilleur pour nos enfants, quelles que soient les méthodes d’éducation utilisées. Je rappelle simplement, que les relations que notre enfant aura en tant qu’adulte, seront empreintes de la relation que nous avons pu avoir avec lui.


5- Que l’amour peut être “vache”

Et de même, à travers les Violences Éducatives Ordinaires, on parle de la façon dont on démontre l’amour. Pour l’enfant, malgré les paroles et les gestes blessants, son amour pour ses parents sera indéfectible. Il pensera alors qu’on ne l’aime pas, ou (pour que ce soit moins violent pour lui) que c’est une façon d’aimer. Quelles peuvent être alors ses relations futures, amicales et amoureuses? Comment va t-il se comporter avec ses partenaires?


Pour conclure,

À l’ère d’une énième réflexion sur une loi “anti-fessée”, je tente de répondre à travers cet article aux 70 % de français défavorables à cette loi, ainsi qu’aux nombreuses phrases telles que “j’ai reçu des fessées et je n’en suis pas mort(e)”.

Ce n’est pas une loi pour entrer dans la sphère familiale, mais pour faire évoluer les mœurs. Les violences éducatives ordinaires ont des conséquences sur les enfants, des conséquences néfastes pour leur développement. Et si nous arrêtions de voir l’enfant comme un être à dresser ? Si nous essayions, rien qu’un instant, de nous mettre à sa place ?

Je ne jette pas la pierre aux parents qui en viennent à utiliser les VEO car, très souvent, ils ne savent pas faire autrement.

Nos premiers réflexes et automatismes d’éducation prennent leur source dans ce que l’on a soi-même vécu.

Néanmoins, la bonne nouvelle, c’est que rien n’est figé et que tout peut se travailler !

J’ai reçu des fessées, et je n’en suis pas morte. Et encore mieux ! C’est parce que j’ai toujours su, même étant enfant, qu’il était possible de faire autrement, qu’aujourd’hui j’accompagne les parents qui le souhaitent, à instaurer plus de bienveillance dans la relation avec leur enfant.

“Soyons le changement que nous voulons voir dans le monde”

GANDHI


Anne-Claire BROSSET – À Cœur Bienveillant